- BRÉA (LES)
- BRÉA (LES)BRÉA LESD’une famille établie à Nice depuis plusieurs générations, les Bréa furent trois peintres actifs entre le dernier quart du XVe siècle et le milieu du XVIe. Louis, le plus justement célèbre, est documenté de 1475 à 1523; son frère Antoine, de 1504 à 1516, collabore sans génie personnel avec lui et meurt en 1527; le fils de ce dernier, François, est cité de 1525 à 1555 et prolonge la manière familiale.Les Bréa sont connus grâce aux recherches d’archives des érudits, notamment ligures, grâce à l’exposition des Primitifs niçois au musée Masséna de Nice en 1937 qui donna lieu à la publication d’articles par G. Borea (Bulletin des musées de France , juin 1937) et L. H. Labande (Gazette des beaux-arts , sept. et oct. 1937), grâce enfin au fait que certains retables ou éléments de retables sont abrités dans des musées ou des monuments renommés. Car les Bréa peignirent des tableaux de dévotion, tandis que les contemporains de Louis, Giovanni Baleison et Giovanni Canavesio, décoraient de cycles à fresque les chapelles de l’arrière-pays niçois et des vallées des Alpes du Sud. La période d’activité de Louis Bréa a correspondu à une époque de floraison picturale de qualité dans le triangle Nice-Gênes-Turin, sous la domination de la maison de Savoie. Louis semble avoir eu deux lieux principaux d’activité, Nice et Gênes, et s’être déplacé ou avoir expédié ses œuvres autour de ces deux foyers, vers Grasse, Les Arcs, Monaco, Lucéram, Lérins d’une part, Taggia, Vintimille, Montalto Ligure, Savone d’autre part. Ses commanditaires furent des ordres religieux comme les dominicains de Taggia près de San Remo, les franciscains de Vintimille, des prêtres comme Antoine Teste, curé de Monaco pour lequel il achève en 1505 la Pietà de la cathédrale de Monaco, des confréries de dévotion comme celle du Corpus Domini qui conclut en 1513 un prix-fait avec lui pour un retable de l’Annonciation destiné à sa chapelle en l’église des hospitaliers de Gênes, des particuliers enfin comme les Curli ou les Asdente qui possédaient des chapelles dans l’église des dominicains de Taggia. Louis Bréa s’est parfois associé à des peintres ligures pour une commande importante; en 1490, il collabore avec le Lombard Vincenzo Foppa pour un retable à Santa Maria di Castello de Savone commandé par le cardinal Giuliano della Rovere. Ces contacts étroits et ces déplacements font que la culture de Louis Bréa est ouverte et variée et que les limitations et les archaïsmes, que l’on peut déceler dans ses œuvres, semblent imputables davantage aux exigences de commanditaires soucieux d’images traditionnelles qu’à un « primitivisme» du peintre. Les retables produits par Louis Bréa sont en effet encore compartimentés pour faire place à la représentation des divers saints protecteurs, pour exprimer la multiplicité des dévotions et des «garanties» dont sa clientèle aime à s’assurer. Composés de panneaux de bois, enrichis de moulurations tantôt d’un style gothique flamboyant, tantôt d’un style renaissant classicisant sans qu’il soit possible d’établir une véritable évolution, ils sont peints à l’huile, dans une technique moins minutieuse que celle des glacis à la flamande, par couches couvrantes de couleurs saturées. De l’école d’Avignon, Louis Bréa retient le dessin sévère qui isole les figures en grandes masses sculpturales, les contrastes nets de tonalités, l’immobilité sereine des personnages qui refusent d’engager le dialogue entre eux et de s’animer, en opposition frappante avec les œuvres pourtant contemporaines d’un Léonard de Vinci. Le triptyque de la Pietà entre Saint Martin partageant son manteau et Sainte Catherine d’Alexandrie du monastère franciscain de Nice-Cimiez est sa plus ancienne œuvre (signée et datée de 1475), peinte à la demande de Martin de Rala; malgré le fond d’or, les figures se détachent vigoureusement en relief, un papier plissé porte en trompe l’œil l’inscription. De 1480 environ semble dater le polyptyque de sainte Marguerite dont la partie centrale est dans l’église de Lucéram, les volets et les compartiments de la prédelle retraçant l’histoire de la sainte, au musée Masséna; à la simplicité des figures en pied des saints, dont la silhouette est enclose dans un drapé sobre, s’oppose le pittoresque des petites scènes narratives où l’espace est habilement scandé par l’architecture et les alternances d’ombre et de lumière. La Crucifixion de San Bartolomeo degli Armeni à Gênes, aujourd’hui au Palazzo Bianco, montre sa maîtrise du paysage et des symboles flamands (les anges dolents en robes sombres qui volent autour de la croix), les Saints Nicolas de Tolentino et Vincent Ferrier du palais Waldstein de Prague appartenaient sans doute au même polyptyque. À Taggia, la Vierge de miséricorde abrite la communauté des fidèles de son manteau, les protégeant des flèches décochées par Dieu et ses anges (vers 1483?), Sainte Catherine de Sienne entre sainte Agathe et sainte Lucie reçoit les prières des membres du tiers ordre dominicain (1488), l’archange de l’Annonciation visite Marie sous une loggia au plafond classicisant (1496). Après 1500, citons la Présentation au temple et l’Assomption de la Vierge du musée du Petit Palais à Avignon, traditionnelles, l’Adoration de l’Enfant de l’église de La Brigue, sur l’autel des Alberti, et le Couronnement de la Vierge de Santa Maria di Castello à Gênes (1512-1513) avec sa foule de dévots en costumes contemporains.
Encyclopédie Universelle. 2012.